6h du matin.
Les grandes portes métalliques du hangar coulissent et viennent rompre le silence de l’aube qui se prépare. Pierre-Yves sort son Phoenix, il le pousse dehors, à la force de ses bras, comme s’il ne pesait rien. Quelques vérifications, puis on est prêt à embarquer. Selon la réglementation, on peut décoller trente minutes avant le lever du soleil. On attend. Pendant ce temps, on essuie la buée qui s’est déposée sur les vitres à l’intérieur du cockpit, on est en automne, il est tôt et il fait froid.
Grâce à son petit moteur de cent chevaux, on décolle sans mal, c’est vrai que ça ne pèse rien! On atteint rapidement le haut des cimes, c’est là qu’arrive la lumière. Elle grimpe jusqu’aux sommets, ruisselle le long des pentes, s’engouffre dans les vallées. Enfin le soleil se lève, ou tout du moins, on est assez haut pour le voir apparaître derrière la montagne la plus lointaine. Il étire ses rayons jusqu’à nous, nous éblouit. Sous nos pieds, le paysage s’illumine, les crêtes s’aiguisent, les lacs étincellent comme des pierres précieuses dans leurs écrins de premières neiges, la brume essaie de se retirer dans les zones encore hors d’atteinte de la lumière, mais reste parfois prisonnière de la vallée et emmitoufle le paysage dans du coton…
Mes yeux et mon esprit sont à ce moment comme le paysage, brumeux, feutrés. Littéralement dans les nuages.
Soudain, il coupe le moteur. Silence. On plane.
Pierre-Yves me montre l’Aneto par ici, le Pic du Midi juste là. Je me sens Le Petit Prince, assise à coté d’Antoine de Saint-Exupéry me décrivant le monde, qui semble imaginaire.
On se laisse glisser sur les courants d’air entre les ombres des montagnes, à presque effleurer le tapis de mousse que forment les sapins. On aperçoit Luchon, qui se réveille doucement avec les premiers rayons dorés. On distingue de mieux en mieux les édifices de cette jolie station, puis l’aérodrome.
On se pose, sans un sursaut, sans un bruit.
Ai-je rêvé? Oui, les yeux grand ouverts!
>>